Depuis sa création, le Studio 4°C s’est concentré sur l’originalité et l’expérimentation, et s’est fait la réputation de laisser un maximum de liberté aux artistes et techniciens qui collaborent avec lui. C’est ainsi que le studio a travaillé sur les dessins animés japonais les plus étonnants de ces 20 dernières années. Parmi les participations à de nombreux projets, on peut noter (dans les plus connus) Kiki la petite sorcière, l’omnibus Memories, Noiseman Sound Insect (réalisé par Morimoto), Animatrix, Steamboy, Mind Game (réalisé par Yuasa), ou encore l’excellent Amer Béton... Bref, une filmographie qui rassemble beaucoup d’oeuvres majeures, et qui ne semble pas prête de s’arrêter.

En un peu plus de 20 ans, le studio a travaillé avec les plus talentueux artistes du dessin animé japonais. Si certains font (ou ont fait) partie intégrante du studio, beaucoup d’autres ont collaboré étroitement avec lui, tout en restant indépendant. Masaaki Yuasa a quant à lui occupé divers postes pour de nombreux projets dans plusieurs studios différents. Après avoir acquis une certaine réputation pour son travail d’animation sur la série Crayon Shin Chan, Yuasa collabore avec le studio 4°C en 1997, pour créer le film qui révèlera le studio : le court métrage Noiseman Sound Insect. Il travaille sur ce projet en tant que character designer, et directeur de l’animation. En 2001, il réalise le moyen métrage Nekojiru-so (Cat Soup en anglais), primé dans plusieurs festivals. En 2004, il réalise son premier long métrage, l’excellent Mind Game, avant de réaliser Kaiba, une série de 12 épisodes en total décalage graphique avec la norme actuelle.

Nekojiru-so

Mélangeant des techniques variées et originales, le studio n’est pas pour autant uniquement centré sur l’animation et choisit avec attention des scénarios particuliers. Le choix des techniques d’animation rajoute d’ailleurs bien souvent des niveaux de lecture supplémentaires au film, et on est assez loin de la démonstration de force gratuite. Je pense que pour se faire une idée de ces films, le meilleur moyen serait de commencer par regarder Amer Béton et Mind Game. Les courts métrages et autres films ou séries du studio ne sont pas moins intéressant, mais peut être plus difficiles d’accès. Ces deux films ont d’ailleurs la particularité d’être des adaptations de mangas papier (respectivement de Taiyou Matsumoto et de Robin Nishi).

Mind Game raconte l’histoire de Nishi, un mangaka looser qui recroise par hasard son amour de collège, Myon. Alors qu’ils mangent des Yakitori (brochettes de poulet) dans le restaurant que Myon tient avec sa soeur, des yakuzas débarquent à la recherche de leur père, qui se cache sous le comptoir. Alors que le ton monte, Nishi se fait malencontreusement tuer (d’une manière dont je vous laisse la surprise), et rencontre alors Dieu. S’ensuit une conversation déjantée et une course effrénée (et ça ne sera pas la dernière) qui finalement renvoie Nishi dans son corps, quelques secondes avant sa mort. Après quelques autres courses poursuites, Nishi, Myon et sa soeur, Yan, finissent dans le ventre d’une baleine où ils rencontrent un vieil homme un peu fou avec qui ils vont passer quelques temps... et raconter la suite serait du spoil. Malgré l’ambiance déjantée que les premières minutes du film instaurent, Mind Game est un véritable chef d’oeuvre qui mérite de faire l’effort de s’accrocher à l’histoire, un film à la morale pleine d’espoir et de bon sens servi par un graphisme virtuose à tous les points des vue.

L’intrigue d’Amer Béton se déroule à Takara, la ville trésor, sorte de caricature de nos mégalopoles actuelles, pleine de ruelles sales et d’immeubles en démolition et en reconstruction. Kuro et Shiro (en français noir et blanc) sont deux orphelins qui vivent dans une carcasse de voiture abandonnée, survivant par la violence dans un monde qui ne leur laisse pas vraiment le choix. Kuro est le plus mûr, le plus sombre et le plus réaliste du duo, alors que Shiro est presque attardé et encore totalement innocent, pas encore perverti par l’ambiance malsaine de la ville. Le quotidien des enfants va être perturbé alors qu’un ancien yakuza revient à Takara pour travailler pour une sorte d’agent immobilier extra-terrestre qui, pour parvenir à ses fins, n’hésite pas à envoyer des tueurs s’occuper des gamins. Amer Béton est un dessin animé assez sombre, toujours à la limite entre espoir et désespoir, qui se refuse à simplifier les choses de manière manichéenne. L’animation et la mise en scène sont vraiment remarquables, l’ambiance de la métropole fourmillant de détails et d’activités est très bien retranscrite.

A savoir que Mind Game n’est à ma connaissance pas disponible en France dans le commerce, et donc pas traduit officiellement (de même que le manga d’origine). A l’inverse le film d’Amer Béton est disponible en DVD et Blu-Ray, et je vous conseille aussi le manga d’origine, tout aussi puissant et décalé que le film. Quelques liens pour en savoir plus...
www.kojimorimoto.net
www.studio4c.co.jp